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Bernart de Ventadour & les troubadours

Illustration de Grégory Nadaud. Art Héloïse Production.

Ventadour, berceau des troubadours !

L’histoire de ce lieu commence avec Ebles Ier, cadet des vicomtes de Comborn, pour qui fut créée la vicomté vers 1060-1090. Ebles II, son fils, sera vicomte de Ventadour de 1106 à 1147. La chronique du prieur Geoffroy de Vigeois (XIe – XIIe siècles), parlant de Ebles II, rapporte que « c’est avec entrain qu’il s’adonna à l’art des vers, jusqu’à la vieillesse ». 

Outre le fait de nous apprendre qu’il était poète et compositeur de chansons, le prieur Geoffroy nous révèle également qu’il était ami proche de son seigneur le duc d’Aquitaine, Guilhem de Peitieus, Guillaume IX, considéré comme étant le premier troubadour ; tous deux avaient une grande complicité dans l’art du trobar, l’art de trouver le mot et le son. Ebles II fut surnommé ainsi lo chantador, le chanteur. Mais aucune de ses chansons n’est conservée. Cercamon, identifié comme troubadour gascon, à qui l’on attribue neuf poèmes, pourrait être son nom de plume!

C’est dans cette ambiance poétique « ventadourienne », qu’apparaît Bernart de Ventadour (…1147 – 1170…). Il est doué dans l’art de manier le mot et le son ; dans une de ses chansons il fait allusion à l’Escòla NEblon, l’école d’Ebles; ce qui confirmerait qu’il apprit l’art du trobar auprès de Ebles II, son maître, peut-être son père et l’on suppose qu’il poursuivi ses études dans l’abbaye prestigieuse de Saint-Martial de Limoges. Le vicomte Ebles II n’étant pas revenu de la deuxième croisade, son fils Ebles III devint à son tour seigneur de Ventadour et selon la vida de Bernart de Ventadorn (sa biographie romancée dont le troubadour quercinois Uc de Saint-Circ en revendique la paternité), il appréciait beaucoup les compositions de ce jeune poète, jusqu’à ce que ce dernier voue un amour passionnel à la vicomtesse , l’épouse de Ebles III. Il est dit que, de colère, le vicomte congédia le jeune Bernart et se sépara de sa femme.

Bernart de Ventadour, poète de cour et maître en fin’amor

Source : BNF 12473/58

Sa renommée naissante ou ses origines permirent à Bernart de Ventadorn d’être accueilli à la cour de la reine Aliénor d’Aquitaine, alors séparée du roi de France Louis VII et épouse de Henri Plantagenêt, duc de Normandie.

Il y exerça ses talents de poète-musicien durant de nombreuses années, puis rejoignit la cour du comte de Toulouse jusqu’à la mort de ce dernier et enfin aurait fini ses jours à l’abbaye cistercienne de Dalon, où vivait déjà Bertran de Born, seigneur et troubadour du château de Hautefort.

Bernart de Ventadorn occupe une place majeure dans la lyrique occitane des XIIe et XIIIe siècles. Sa poésie inspirera de nombreux autres troubadours, sera citée par Dante et son œuvre sera transcrite dans plusieurs manuscrits ; elle est exclusivement consacrée au thème de l’Amour. Nous sont parvenues 44 chansons dont 20 ont conservé leur musique.


Fin’amor : Dans la « fin’amor », mot occitan féminin que l’on peut traduire par « amour parfait », chantée par les troubadours, la Dame apparaît donc maîtresse de son désir et de celui de son amant. Douée parfois du pouvoir de transfigurer ce dernier, elle peut même apparaître comme un principe de vie ou de mort. (Katy Bernard).

La lyrique occitane : C’est la poésie occitane médiévale, l’ensemble des textes poétiques chantés, composés par les troubadours, de forme élaborée qui se répandit dans le sud de la France jusqu’en Catalogne et en Italie septentrionale et qui influença pour longtemps la lyrique européenne. Noter que l’on parle aussi de « cançon », ou « canson »  – prononcer « canssou »-  chanson en français.

Le rayonnement de l’art du trobar dans le monde médiéval (Xii - XIII ème Siècle)

L’art du trobar débute un peu avant l’an 1100, embrasse tout le XIIe siècle et prend fin un peu avant l’an 1300. Les troubadours sont liés aux cours auxquelles ils appartiennent et y exercent entre autres, leur talent de compositeur. Ils suivent parfois leurs seigneurs dans les croisades, comme le firent Giraut de Bornelh, Gaucelm Faidit, autres troubadours célèbres, accompagnant le roi Richard Cœur de Lion lors de la troisième croisade.

Les pèlerinages en armes ou croisades, que l’on nomme à l’époque « passages d’outre-mer » ou « voyages de Jérusalem » ont pour objectif la délivrance du Saint Sépulcre et sont lancés par une bulle pontificale d’Urbain II à l’issue du concile de Clermont en 1095. Au total, il y aura 8 croisades.

D’autre part, Bernart de Ventadorn étant à la cour d’Aliénor d’Aquitaine, sa présence en Angleterre est probable.

Les troubadours se déplacent au gré des évènements et des cours : les troubadours Peire Vidal et Gaucelm Faidit séjournent en Hongrie à la cour d’Emeric.

À noter que les vastes mouvements de pérégrination vers Rome et Saint Jacques de Compostelle sont en plein essor durant cette période des XI et XIIe siècles et concernent l’ensemble de la population.

Parallèlement au développement des valeurs courtoises dans les cours occitane, mais avec un léger décalage dans le temps, les cours du Nord de la France vont également contribuer au développement de cet art de la chanson, grâce notamment à la reine Aliénor, mais aussi à sa fille, Marie de France qui rayonne sur toute la Champagne. Ces imitateurs de poésie courtoise sont les trouvères. Des échanges professionnels et amicaux se nouent entre troubadours et trouvères.  

Aliénor est aussi l’ambassadrice de cet art en Angleterre. L’Italie, la Sicile, l’Espagne (l’Aragon, la Catalogne), le Portugal sont également concernés par cette vague de poésies chantées.

Dans la deuxième moitié du XIIe siècle, apparaît la poésie allemande ; un chant consacré à l’amour, à la «Minne », le Minnesang ; ces faiseurs de mots et de sons sont les « Minnesänger ».

À la fin du XIlle siècle les cours occitanes ne sont plus aussi brillantes que par le passé. La croisade Albigeoise a modifié le paysage politique et culturel, déstabilisé et détruit la mystique courtoise de l’Occitanie. L’art du trobar prend fin avec Guiraut Riquier de Narbonne (… 1254-1292 …). Les derniers troubadours s’exilent en Italie en Espagne.

L'héritage des troubadours

Au total, 350 troubadours (trobadors), dont 30 femmes (trobairitz). Nous sont parvenus 2542 poésies dont environ 260 ont conservé leur musique et sont attribuées à 44 auteurs. Une seule musique de femme, celle de la Comtessa de Dia. Nous connaissons aujourd’hui 95 manuscrits dans lesquels se répartissent tous ces chants, 52 ont été rédigés en Italie. Par exemple le manuscrit R semble avoir été transcrit à Toulouse vers 1330.

En occitan trobador = trobar, en français = trouver ; le troubadour, celui qui trouve le mot et le son.

Ce travail de transcription a été réalisé dans des monastères et des abbayes, bien après la mort des troubadours.

Aujourd’hui, l’ensemble des œuvres musicales des troubadours est compilé dans deux ouvrages : Las Cançons dels Trobadors de Ismael Fernandez de la Cuesta et de Robert Lafont, 1979 éd. Institut d’Estudis Occitans et dans The Extant Troubadour Melodies, Transcriptions and Essays for Performers and Sholars de Hendrick van der Werf, Gerald A. Bond, Rochester, New York 1984. Quant aux textes, ils sont disponibles dans les nombreuses publications des universitaires et des philologues.

La recherche se poursuit dans le domaine universitaire et paraissent chaque année de nouvelles publications, en Italie, en France (universités de Toulouse, de Bordeaux), ainsi qu’aux États Unis, en Angleterre, en Allemagne, dans la continuité de l’ouvrage des philologues du XIXe et du début du XXe siècles.

Au fil des ans, des rencontres, des concerts, des conférences des Trobadas internationales, sont organisés autour du thème de la lyrique occitane, suscitant de nouvelles interprétations de ces chants, générant de nouvelles créations artistiques. Ces évènementiels encouragent la production d’ouvrages dédiés aux troubadours ainsi que des enregistrements des œuvres musicales interprétées. En audio ou en vidéo, de nombreuses musiques sont aujourd’hui disponibles en ligne ainsi qu’un grand nombre d’œuvres littéraires.

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